
Edenred, acteur majeur des solutions de paiement dédiées au monde professionnel, a récemment dévoilé ses ambitions à moyen terme lors d’une présentation stratégique. Malgré une croissance soutenue de son Ebitda visée entre 8% et 12% par an, et un taux de conversion en flux de trésorerie libre supérieur à 65%, le marché a réagi avec scepticisme. L’action a ainsi chuté de plus de 8% en séance, illustrant la défiance persistante des investisseurs.
La trajectoire boursière d’Edenred témoigne de la volatilité des attentes du marché. Entre 2016 et 2023, le titre avait été multiplié par cinq, porté par une dynamique de croissance et son entrée au CAC 40. Cependant, en moins de trois ans, la capitalisation a été divisée par 2,5, conséquence directe de plusieurs trimestres décevants et surtout de l’incertitude réglementaire pesant sur ses principaux marchés.
Les inquiétudes se sont matérialisées en Italie, où un plafonnement des commissions sur les titres restaurant est entré en vigueur en septembre. Au Brésil, premier marché d’Edenred, une réforme de l’« interopérabilité » suscite également de fortes préoccupations. En France, le projet de loi de Finances 2026 prévoit une contribution patronale de 8% sur divers avantages aux salariés, bien que la directrice financière, Virginie Duperat-Vergne, ait récemment tenté de rassurer sur ce point.
Valorisation d’Edenred et incertitudes réglementaires sur les marchés clés
L’ensemble de ces facteurs a conduit à une valorisation jugée « aberrante » par plusieurs analystes. Après un rebond spectaculaire de 19,6% suite à la publication de résultats rassurants au troisième trimestre, la sanction boursière de ce début novembre rappelle la fragilité du titre. Le PDG Bertrand Dumazy a souligné : « Le marché a toujours raison mais pas tous les jours. » Il estime que le cours actuel ne reflète pas la valeur intrinsèque de l’entreprise et que « l’attentisme du marché ne doit pas dicter la politique industrielle d’Edenred ».
Le nouveau plan stratégique « Amplify », couvrant la période 2025-2028, vise une croissance organique de l’Ebitda comprise entre 8% et 12% par an, à régulation constante. Ce rythme est inférieur à celui du précédent plan, qui tablait sur plus de 12% de croissance annuelle et un taux de conversion en cash supérieur à 70%. Les objectifs apparaissent donc moins ambitieux, ce qui alimente la prudence des analystes.
En 2026, Edenred subira pleinement l’impact de la nouvelle réglementation italienne, ce qui limitera la progression de son Ebitda à 2-4% en organique, bien en deçà du consensus des analystes qui anticipaient 5,6%. Dumazy précise que la réglementation italienne retranchera cinq points de croissance, auxquels s’ajoutera l’effet des arrêts d’activités non rentables.
Stratégies de croissance et leviers d’engagement pour Edenred
Pour atteindre ses cibles, Edenred mise sur plusieurs leviers stratégiques. L’entreprise entend renforcer l’attractivité de ses solutions afin de fidéliser et engager les salariés, convainquant ainsi les entreprises d’accroître les volumes confiés. Bertrand Dumazy note que la croissance de la population active, autour de 0,2% par an sur ses marchés principaux, reste insuffisante pour soutenir la dynamique du groupe.
Face à la guerre des talents, les entreprises cherchent à améliorer l’engagement des salariés par des avantages extra-salariaux. Selon un sondage cité par Dumazy, « 76% des DRH peinent à recruter et 79% des salariés ne se sentent pas engagés au travail ». Edenred vise ainsi à augmenter la pénétration de ses offres, notamment auprès des PME, où le taux actuel n’atteint que 40%.
La société souhaite également accroître le revenu par utilisateur, misant sur le « cross-selling » et l’« upselling » de ses solutions. L’objectif est de faire passer ce revenu de 46 euros aujourd’hui à 70 euros en 2030, grâce à une stratégie de monétisation de l’audience et à des investissements massifs dans la technologie.
Investissements technologiques et exposition réglementaire d’Edenred
Pour soutenir cette transformation, Edenred prévoit d’investir 1,8 milliard d’euros dans ses produits et technologies entre 2026 et 2028. « Il y aura de l’IA et de la data partout », a assuré Bertrand Dumazy. Cette orientation vise à optimiser l’efficacité opérationnelle et à générer de nouvelles sources de revenus.
Sur le plan réglementaire, Dumazy a précisé que 59% du chiffre d’affaires opérationnel d’Edenred provient de marchés non régulés. Les 41% restants concernent les programmes alimentaires, principalement en Italie, France et Brésil, où les cadres légaux évoluent ou sont en discussion. Au Brésil, les négociations sur l’interopérabilité impliquent 110 acteurs et se poursuivent depuis trois ans.



