
Le secteur automobile européen a connu ce lundi une envolée remarquable en Bourse, portée par des signaux encourageants sur le front des semi-conducteurs. Des informations relayées par plusieurs médias laissent entrevoir une possible reprise des expéditions de puces Nexperia depuis la Chine, ce qui dissipe en partie les inquiétudes liées aux tensions d’approvisionnement.
Sur le marché parisien, Renault et Stellantis affichent des progressions notables, respectivement de 3% et 2,6%, s’imposant en tête du CAC 40. Les équipementiers Forvia et Valeo ne sont pas en reste, enregistrant des hausses de 6,8% et 2,8%. Outre-Rhin, Volkswagen, Mercedes-Benz et BMW profitent également de ce regain d’optimisme, avec des gains compris entre 1,8% et 3,3%.
Selon des sources concordantes, l’administration américaine s’apprêterait à annoncer la reprise des exportations de Nexperia, à la suite d’un échange entre les présidents chinois et américain. L’AFP a confirmé samedi que la Chine s’engageait à accorder des exemptions à son embargo sur les puces, marquant ainsi une détente dans le dossier Nexperia.
La chaîne d’approvisionnement automobile dépendante des puces Nexperia
Pour mémoire, Nexperia, filiale du groupe chinois Wingtech Technology, s’est retrouvée au cœur d’un bras de fer entre La Haye et Pékin. Basée aux Pays-Bas, cette entreprise spécialisée dans les composants électroniques pour l’automobile a été rachetée en 2018 par Wingtech. Le 30 septembre, les autorités néerlandaises ont invoqué une loi de sécurité nationale datant de 1952 pour restreindre le contrôle de Nexperia, invoquant des risques de transferts technologiques vers la Chine.
En réaction, la Chine a instauré des licences d’exportation, limitant de facto l’envoi de certains composants produits localement vers l’Europe. Un expert du secteur souligne : « Le problème c’est que quand bien même Nexperia a des capacités de production en dehors de Chine, en Allemagne par exemple, le ‘testing’ s’effectue toujours en Chine. » Selon UBS, le site de Guandong représente 70% des capacités d’assemblage et de test du groupe.
Nexperia occupe une place stratégique dans la chaîne de production automobile mondiale. « Les puces Nexperia sont présentes dans tous les types de modules électroniques automobiles, il s’agit d’un produit de faible valeur, mais produit en grande quantité », rappelle UBS. Toute escalade du conflit pourrait, selon la banque, provoquer des arrêts de production généralisés chez constructeurs et fournisseurs.
Gestion de crise et diversification des sources d’approvisionnement
L’Association européenne des constructeurs automobiles a tiré la sonnette d’alarme à la mi-octobre, relayant une notification de Nexperia signalant l’impossibilité de garantir la livraison de puces à la chaîne d’approvisionnement. Ce contexte rappelle la crise de 2021, lorsque l’industrie automobile avait été durement frappée par une pénurie de semi-conducteurs, alors prioritairement alloués à l’électronique grand public.
La situation actuelle diffère cependant. « La donne est différente là. On n’est pas sur un ‘shortage’ physique mais sur un contrôle des exportations. Après 2021, beaucoup de constructeurs et d’équipementiers ont mis en place du ‘dual sourcing’, ce qui renchérit les coûts d’homologation mais évite les pénuries », précise un spécialiste. La question demeure sur la part des contrats en ‘single sourcing’ et leur impact potentiel sur la montée en cadence des productions.
Le sujet Nexperia a largement dominé les échanges lors des dernières publications de résultats. Bernstein note que la communication de Forvia a été « éclipsée » par cette problématique. Martin Fischer, directeur général de l’équipementier, a déclaré : « Nous achetons toutes les puces sur le marché qu’il est possible d’acheter et nous regardons des alternatives. » Valeo affirme de son côté avoir identifié des alternatives pour 95% des composants Nexperia, bien que toutes n’aient pas encore reçu l’aval des clients finaux.
Impact mondial et vigilance accrue dans l’industrie automobile
La tension autour de Nexperia a des répercussions bien au-delà de l’Europe. Bloomberg rapporte que ZF Friedrichshafen a dû réduire sa production, faute de puces disponibles. Bosch, leader mondial de l’équipement automobile, a annoncé la mise au chômage technique de certains salariés pour les mêmes raisons.
Volkswagen a averti ses équipes d’un risque d’impact à court terme sur la production, selon le Financial Times. L’association japonaise des constructeurs automobiles a également exprimé ses préoccupations, estimant que la situation Nexperia pourrait « avoir un sérieux impact sur la production mondiale de nos membres ». Mary Barra, directrice générale de General Motors, a qualifié la situation de « fluide » tout en espérant une résolution rapide. Jim Farley, PDG de Ford, a lui aussi appelé à une issue favorable au conflit.



